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Ma gare, ma deuxième maison...

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Ma gare, ma deuxième maison...
  • Je ne pensais pas un jour atterrir dans une gare, y travailler, et aimer cela. J'aime les gens, les aider, mais ma passion, c'est d'écrire. Alors voilà : je vais écrire sur mon travail. Bon compromis, non ? Bonne lecture à tous !
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12 mai 2016

Bon agent et gréviste : incompatible ?

Aujourd'hui, quelqu'un m'a dit (reproché ?) que j'étais paradoxale. Pourquoi ? Car je fais grève, mais après, quand je suis au travail, eh bien... Je travaille.

greve

Quand on m'a dit "C'est paradoxal, tu fais grève, mais quand tu es là, tu fais ce qu'on te demande" (ce qu'on me demande = mon taf)

 

Je suis restée plutôt dubitative. Est-il vraiment nécessaire de répondre à ce genre de choses, sans avoir l'air, au fond, de se justifier ? Dois-je vraiment m'excuser de faire mon travail, sans pour autant être d'accord avec toutes les régressions que l'on veut nous imposer ?

Cela m'a amenée à réfléchir quelques instants là dessus. Je me suis dit que la question n'était pas "Un gréviste est-il un mauvais agent ?" mais "Un gréviste DOIT-il être un mauvais agent ?"

Pour moi, la réponse à ces deux questions est : NON ! Bien entendu que non !

N'a-t-on pas justement plus de légétimité à s'opposer à certaines décisions, certaines organisations, si nous sommes de bons éléments ? Doit-on réellement se forcer à mal travailler, juste pour avoir l'air crédible dans notre rôle de gréviste ?

Je vais énoncer une évidence, qui n'a pas l'air si évidente, en fin de compte : un gréviste n'est pas un incompétent. Un gréviste n'est pas une sorte de branleur qui ne sait pas faire son travail et qui se met en grève pour aller jouer au tennis ou rester au lit toute la journée (je ne perdrai pas ma journée de salaire pour ça personnellement, je préfère attendre mes repos, si ce n'est que ça !). Un gréviste, c'est juste (la majorité du temps) quelqu'un qui dit "NON" à quelque chose de précis, qui demande du respect, de l'écoute, et de la négociation. Je ne vois pas en quoi ces demandes sont incompatibles avec un travail bien fait lorsque je suis là. Accomplir mes missions est-il donc une soumission à mon patron ? Ne suis-je pas, tout bêtement, présente et payée pour cela ? Je ne vais pas au delà de mes missions, et si je le fais, ça sera par serviabilité envers un client qui le mérite, et non pour faire plaisir à un supérieur.

J'ai quelques horribles défauts au travail : je suis gentille, serviable, tolérante, et surtout, je fais ce qui m'est demandé. Tout simplement car tenir un guichet, faire de l'accueil en heure de pointe, redémarrer un automate capricieux, faire les tests de sécurité, arriver à l'heure, être agréable avec les clients, tout cela n'est pas un écrasement face à mes supérieurs. C'est simplement mon boulot. Et je trouve très dommage de devoir avoir honte de cela. Je trouve déplorable de ne pas avoir le droit de m'exprimer, d'afficher mon mécontentement envers notre décret socle (par exemple), JUSTE parce que je fais mon travail lorsque je suis là. Serais-je plus crédible si je n'en branlais pas une, et qu'ensuite je venais demander des comptes ? Est-ce vraiment judicieux ?

Je ne dis pas que je serai davantage écoutée juste parce que j'aime mon travail et que j'essaie de le faire au mieux. C'est par pur égoïsme que je suis ainsi, car j'ai une certaine conscience professionnelle, et je me sentirais mal d'être une glandeuse et d'oser faire la rebelle ensuite.

Il n'y a rien d'honteux à faire son travail, à aimer ça. Si tous les grévistes étaient des mauvais éléments, on ne serait pas sortis de l'auberge ! Je vais même aller plus loin. Je suis gréviste CAR j'aime mon entreprise. Je n'ai pas envie qu'on la dépouille de ses qualités, de sa beauté, par simple quête du profit à tout prix. Je n'ai pas envie que des conducteurs soient poussés au bout de leurs limites physiques à cause d'un décret socle plus que passable, alors qu'ils ont dans leurs trains la vie de tous nos clients entre leurs mains ! Je n'ai pas envie que tous les travailleurs de notre pays soient pris pour les pigeons qu'ils ne sont pas. Je n'ai pas envie que mon entreprise ne soit qu'une entreprise parmi d'autres, qui cherche du chiffre, du chiffre, du chiffre... J'aime assez l'idée que l'on soit là pour rendre service. Bien sûr, nous avons besoin d'un certain bénéfice pour subsister ; mais c'est sans doute largement possible sans mettre de côté la serviabilité, la sécurité, le service client.

Je me suis un peu égarée dans mes idées.

Tout cela pour dire que j'en ai marre d'être gênée pour si peu. Pas besoin d'être un glandeur pour être légitime à faire grève. C'est bien le contraire, à mon humble avis. Je respecte mes valeurs, mes idées. Et je ne fais pas grève pour demander le droit de glander, et d'être payée 4000 euros à ne rien foutre. Si c'était le cas, oui, on pourrait me trouver paradoxale... Mais ça ne l'est pas. Justement car je fais correctement mon travail, je veux au moins qu'on me respecte en tant qu'être humain, et qu'on ne m'en impose pas davantage sans contrepartie (et cette requête vaut pour tous les salariés, bien sûr).

Qu'en pensez-vous ?

Bonne journée à tous !

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26 avril 2016

Besoin de m'exprimer...

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Si travailler à la SNCeuFeu m'a bien appris quelque chose, c'est la patience. C'est la clé de ma survie dans le monde merveilleux de la vie en gare.

Ces derniers temps, ma patience, certains lui font la peau. Je reste polie, courtoise, et parfois silencieuse. Mais à l'approche de la troisième grève en quelques semaines, les critiques se font de plus en plus virulentes, gratuites et insultantes. On remercie encore une fois les médias qui ne manquent pas de rajouter leur couche de mensonges à l'opinion déjà bien biaisée de la population.

Pour ceux que ça intéresse (et pour les autres, désolée de vous avoir ennuyé jusqu'ici), je vais remettre les choses au point. Et comme ces choses-là me concernent un petit peu, je pense quand même ne pas être trop loin de la vérité.

Je vais m'appuyer sur cet article pour m'exprimer.

 

1) Les facilités de circulation

Certains aiment se vendre du rêve là-dessus. C'est un avantage souvent ramené sur le tapis, sur un fond écoeurant de jalousie (quand les insultes fusent à cause de ça, je ne vois pas d'autre explication !). L'article dit : "La belle-mère d'un cheminot a par exemple droit à 4 billets gratuits par an." Faux. Mes parents ont un fichet qui leur permet quatre voyages par an, oui, mais ils ne sont pas gratuits. Si le prix n'est certes pas élevé et dépend du montant de la réservation choisie, il n'en reste pas moins que lorsqu'on avance de l'argent, eh bien... ça n'a rien de gratuit, si ? Ce genre de subtilité n'est rien d'autre qu'une volonté de diriger les gens vers une façon de penser bien précise : "Détestez les cheminots !" Et presque... "Eux vous détestent, alors faites-en autant, personne ne vous le reprochera !" Comme si nous étions le mal incarné, le diable en personne...

Personnellement, je ne me sers pas de mes facilités de circulation. Tout bêtement car mes horaires me contraignent à avoir une voiture (ou un chauffeur, ou un jet privé, mais tout mon argent part dans mes factures, ce n'est vraiment pas de chance !). Je commence trop tôt pour avoir un train, ou je finis trop tard pour pouvoir revenir chez moi en transport. Comment que je fais alors ? Je me débrouille autrement ! Les transports, je les emprunte quand je pars en formation sur Paris, par exemple. Dans le cadre de mon travail, donc. Je ne suis pas la ruine de la France, ni de l'entreprise, je vous assure ! Je reconnais que pour ceux qui les utlilisent, c'est un avantage qui peut se révéler très pratique. Mais méritons-nous d'être insultés pour cela ? Sommes-nous les seuls à bénéficier d'avantages liés à notre métier ? Je ne pense pas. Ces mêmes journalistes qui nous descendent souvent en flèche pourraient sans doute nous faire la liste de leurs avantages, non ?  Ce serait de bonne guerre !

Auparavant, quand je payais mon navigo et mes tickets, je n'allais pas bêtement cracher sur les employés. Je n'avais pas que ça à faire. Nous avons tous des valeurs différentes, il faut croire...

2) Le salaire

"Un cheminot est rémunéré en moyenne 3.090 euros brut mensuel, pour un temps complet. Un chiffre très proche du salaire mensuel moyen des Français, dans le privé comme dans le public, qui était de 2.912 euros selon l’Insee en 2013.

Mais il existe de fortes disparités de salaires en fonction des postes : un garde-barrière touche environ 1.864 euros brut, un agent de conduite de TER gagne 2.623 euros, et jusqu'à 8.993 euros pour les cadres supérieurs en contrats privés. Plus de 60% des cheminots touchent moins de 3.000 euros bruts."

Eh bien, le français moyen a bien de la chance, permettez-moi de le dire ! De quel monde utopique sortent ces chiffres ? Pourquoi parler de cette moyenne, quand elle semble aussi biaisée et peu représentative ? Eux-mêmes le disent : plus de la moitié des cheminots gagnent moins que ce chiffre ! Je n'ai aucune honte à le dire, mon salaire net de base s'élève à la somme mirobolante de 1250 euros. Et pourtant, c'est moi qui suis sur le terrain, et qui me fait insulter de branleuse privilégiée tous les jours. Comment un humain normal ferait pour ne pas ressentir d'injustice face à cela ? Je ne suis qu'un contribuable comme un autre, qui se lève tôt, se couche tard, voit très peu ses proches, croule sous les factures et les impôts en peinant à joindre les deux bouts. Cela va faire un an que je n'ai plus de quoi m'acheter un livre de temps en temps pour me faire plaisir ! Cela va faire un an que ma voiture tombe en ruines, et que je n'ai pas du tout les moyens de la faire réparer ! Suis-je plus privilégiée qu'un autre ? Seriez-vous content de me voir m'enfoncer plus bas encore ? Je ressens comme de la haine dans les paroles de certains. Une femme dans le train m'a souhaitée d'être au chômage et de me faire virer, car je venais de lui annoncer qu'il y avait des travaux sur la ligne... Mais dans quel monde vit-on pour souhaiter le malheur des autres et oeuvrer pour la régression ? Pourquoi tout niveller vers le bas ? Personnellement, les gens qui ne travaillent pas le week-end, ou gagnent de très bons salaires... Je ne leur souhaite aucun mal. Plutôt que de dire "ils devraient être payés moins, ils devraient travailler beaucoup plus, j'espère qu'ils n'auront plus de vie privée, ils sont feignants, etc", je me dirais plutôt : "Pourquoi tous les travailleurs ne sont pas aussi bien considérés ?". C'est ça, la vraie question. Si je pose là un pavé, c'est bien que je me sens opressée par cette haine, cette volonté de faire du mal... Je ne vois pas bien où nous allons, tous. Nous devenons mauvais. Cela me rend vraiment triste, je vous assure.

3) Les repos.

Certains diront que nous avons 164 jours de congés payés (Coucou BFMTV, à quand un cours de rattrapage en journalisme pour savoir faire la différence entre un congé payé et un repos hebdomadaire ?). D'autres, que nous en avons soixante (Coucou TF1 ! A quand une information fiable et basée sur des recherches pointilleuses ?). D'autres, que nous travaillons un jour par semaine, et que nous sommes payés 8000 euros par mois (vous, je vous dis même pas coucou). Bref, on en entend des vertes et des pas mûres, si bien que parfois nous prend l'envie d'aller réclamer à nos dirigeants les quelques dizaines de congés payés qu'il semble nous manquer.

Soyons très clairs.

Nous avons 28 jours de congés payés par an. A cela s'ajoute les fériés. Rien d'exceptionnel, me semble-t-il ? Tout le monde y a droit, non ? La seule différence, c'est que les jours fériés, nous devons être présents pour assurer le service, nous les rattrapons donc un autre jour. Nous avons également des repos complémentaires en raison des horaires de nuit. Je ne trouve pas que cela soit inaproprié... J'estime normal, si ça n'est pas le cas, que tout travailleur de nuit en bénéficie. Tous les médecins vous diront que travailler de nuit/en décalé est très mauvais pour la santé et réduit l'espérance de vie. Alors nous accorder quelques repos supplémentaires pour cela, je ne vois pas le mal, franchement. Il y a ensuite les repos hebdomadaires, ces repos dont jouissent, je l'espère, la quasi-totalité des salariés. Ce sont les jours, dans la semaine, où vous ne travaillez pas. "Normalement", ce sont le samedi et le dimanche. Chez nous, un repos double samedi-dimanche n'est garanti qu'une fois par mois. Et même un repos double tout court (qu'importe le jour) n'est pas toujours garanti, et le sera encore moins si nous laissons passer le décret socle qu'on souhaite nous imposer par la force. Par exemple, ce mois-ci, j'ai eu mon repos double samedi-dimanche obligatoire, et un autre repos double garanti (mais sans obligation d'être placé sur un samedi-dimanche, celui-ci). Le reste du mois, j'ai enchaîné des séries de six jours, précédées d'un seul jour de repos... Et rebelotte la semaine suivante ! Je n'en menais pas large. Je ne dis pas qu'il faut sortir les mouchoirs et nous plaindre ; je dis seulement que pour ces raisons, il est vraiment impoli et déplacé de nous affubler de qualificatifs tels que "branleurs", "feignants" ou "privilégiés". Crotte de bique !

4) La retraite

"L'âge moyen de départ en retraite des cheminots était, en 2015, de 53 ans pour les agents de conduite et 57 ans pour les autres."

Le monde des bisounours, en somme. Personnellement, ce n'est pas parce que se teindre les cheveux en vert est autorisé, que je vais le faire. Et ce n'est pas parce que j'aurai le droit de partir en retraite à 57 ans que je le ferai. Car si je fais un calcul très simple, pour toucher une pension à taux plein, je vais devoir cottiser 43 ans. Sachant que j'ai été embauchée à vingt-ans, je partirai à la retraite à 63 ans. Soit, six ans plus tard que ce qui est écrit dans l'article. Il faudra me dire dans quel monde on peut se permettre de prendre sa retraite avec une pension incomplète. J'ai déjà du mal à m'en sortir avec un salaire, alors je ne vais pas faire la rigolote à l'heure de la retraite ! J'irai jusqu'au bout, et je ne m'inquiète pas pour ça, je sais que la ligne d'arrivée va encore être repoussée bien des fois d'ici à ce que j'y arrive (merci le gouvernement). En théorie, vous avez raison de nous jalouser, c'est vrai que ça fait rêver d'arrêter de bosser à 53 ans et de rester chez soi à jardiner pour 2000 euros par mois (franchement...). Théorie est un pays très lointain ! Même, qu'en fait, il n'existe pas !

 

5) La grève

Là dessus, je ne m'atarderai pas. J'en ai déjà parlé dans un autre article, et de toute manière, c'est le sujet le plus sensible. C'est un peu le sujet qu'on nous ressort à toutes les sauces dans toutes les situations possibles. Un jour, ma collègue a dit : "Bonjour, Monsieur" à un client qui venait à son guichet. Pour toute réponse, elle a reçu un magnifique : "Alors, vous faites pas grève aujourd'hui, les feignasses ! Allez, un ticket pour Paris". Au delà de l'impolitesse de ce monsieur qui se pensait sans doute très légitime dans son manque de respect à l'encontre de ma collègue, cela démontre bien qu'on nous fera toujours regretter les grèves passées, actuelles, et futures. La grève, c'est tabou, et il faut en venir à bout ! Retenez seulement que si quelques grèves vous échappent (et à moi aussi, quelquefois), la majorité ont leur raison d'être. Sans les grévistes, nous n'aurions pas les congés payés, la couverture sociale... Et aujourd'hui, nous nous sommes engagés dans un véritable combat contre la casse du code du travail. Ce n'est pas que pour nous, c'est pour tout le monde. Et ça, heureusement que certains l'ont bien compris ! La preuve, lors des manifestations, les cheminots ne sont qu'un groupe parmi d'autres... Tellement de professions se sont réunies et ont osé dire "non" dans la rue, ça me donne espoir ! Et c'est bien la preuve que les grèves, au moins les actuelles, sont nécessaires. Un cheminot n'est pas payé lorsqu'il est gréviste (non, il est payé double, LOLOL), et il ne le fait sûrement pas par plaisir, surtout lorsqu'il doit, comme tout le monde, payer un loyer et des factures. S'il perd son salaire, c'est qu'il estime que c'est la seule solution. Comment se faire entendre aujourd'hui ? Il y a comme un sentiment de mépris qui flotte dans l'air... J'ai tellement l'impression que le gouvernement n'écoute pas ceux qui ont voté pour eux... Alors que sans ces vaches à lait qu'ils exploitent, ils ne seraient pas au pouvoir ! Bref, le but ultime de tout cela est d'une simplicité incroyable : s'exprimer. S'exprimer, donner son avis, c'est tellement mal vu aujourd'hui... Malheureusement, il n'y a pas dix milles façons de le faire. L'exemple le plus parlant. Une dame dit à Manuel Valls "La loi El Khomri, on en veut pas !", et le bougre de répondre "Vous l'aurez quand même !"

ALLO LA TERRE ! Comment négocier avec ces énergumènes ? Comment avoir espoir de discussions paisibles et intelligentes avec des personnes si méprisantes et déconnectées ? Je comprends cette colère qui gronde et qui fait monter l'envie de hurler. Hurler que non, nous ne sommes pas d'accord. Que nous aussi, nous avons le droit de décider !

 

Une seule chose à ajouter : dites-vous que d'en haut, ils se frottent bien les mains. Nous sommes tous là, à nous disputer, à essayer de prouver que l'autre est plus avantagé que nous, qu'il faut broyer les salariés qui ont ce que nous n'avons pas ! Tout cela sans nous tourner vers les vrais responsables, qui eux, se régalent de ce combat de boxe bon marché que nous leur offrons. Ne soyons pas aussi pitoyables qu'ils l'espèrent. Soyons tous ensemble. Et surtout, si vous voulez savoir la vérité, je vous déconseille de manger votre soupe devant TF1, France 2, M6... Ils ne sont doués que pour nous faire avaler de la bouillie, sans véritablement informer. Peut-être disent-ils parfois la vérité... Mais comment le savoir, quand ils sont pris si souvent en flagrant délit de mensonge ?

Je nous souhaite bon courage à tous. Ce n'est vraiment pas simple tout cela. J'espère, quand même, qu'on saura un jour tous se respecter. C'est ce qui compte, et ce serait vraiment un magnifique début !

Je m'excuse si je suis parfois tatônnante, ou un peu brute, je ne suis qu'une jeune adulte un peu ahurie de toutes ces guéguerres stupides. J'espère ne pas vous avoir ennuyé. Je suis ouverte à toute discussion aimable et respectueuse, cela va sans dire ! je vous souhaite une belle journée/soirée/nuit.

 

29 mars 2016

SNU, VAE et TDT : ou comment atteindre son objectif 10 000 pas/jour en une extrême !

Quand tu es en extrême dans une gare terminus, tu es quasiment sûr de pouvoir brûler de la calorie en masse grâce aux missions de sécurité qui te sont confiées. Car oui, un agent commercial ne conduit pas de trains et n'aiguille pas les engins dans un poste, mais il est les yeux et les oreilles de la gare.

En extrême (c'est à dire, sur ma zone, de 17h30 à 01h30), nous avons les missions suivantes : l'accueil (ça va de soi), la paperasse (arrêtés de séance, fin de mois, rangement, etc), ET surtout les trains à visiter. Il y a plusieurs sortes de visites de train (restez encore un peu, je vais vous expliquer tout ça), qui varient selon l'heure, le jour, voire la période de l'année.

Il y a tout d'abord :

Le SNU : cela signifie tout simplement Service Nuit. C'est quelque chose que les clients ne comprennent pas forcément si on ne leur explique pas. Quand une rame de quatre voitures arrivent en terminus dans notre gare, nous nous rendons auprès du conducteur de train (dans notre jargon : le mécano) pour le prévenir que nous allons faire le service nuit. Quand t'as pas de chance, il te dit qu'il en veut pas, et tu t'es déplacé pour rien, mais au moins t'as éliminé un dixième de ton kinder bueno englouti au goûter. Le principe est simple : un agent visite la première voiture de la rame, et l'autre visite la dernière voiture. Le but, c'est qu'il n'y ait plus personne dedans. Nous invitons les clients à se rendre en milieu de rame. Pourquoi ? J'ai moi-même eu du mal à comprendre l'utilité de la chose au début, jusqu'à ce que je prenne mon courage à deux mains et que je demande bêtement à un chef le pourquoi du comment. Et je peux vous dire que c'est bête comme choux : les SNU n'étant assurés qu'en soirée, c'est à dire après 21 heures, rassembler tous les clients dans les deux rames du milieu est considéré comme plus rassurant pour eux. Ils sont moins éparpillés, moins isolés, et cela peut dissuader toute tentative d'agression. Ce n'est certes pas une recette magique, mais l'idée en soit n'est pas idiote du tout. Nous vidons donc les voitures de tête et de queue, et avisons le mécano qu'il peut clôre les portes. On prend le numéro de sa rame, on le note sur notre suivi papier, et le tour est joué.

Il y a tout de même dans les SNU quelques instants de bonheur. Par exemple, quand on sort, et qu'on se rend compte que la rame n'est pas équipée !

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Quand ton collègue te dit : "il est pas équipé !!!"

 

Un train non équipé, on le reconnaît au fait qu'il n'a pas le petit écran noir incrusté sur la première et dernière voiture, l'écran sur lequel il est écrit normalement "service nuit" ou "accédez par le milieu du train". Dans ce cas-là, nous ne pouvons réaliser notre mission, et ça nous épargne une séance d'escalade des escaliers. C'est pas de refus voyez-vous, parce qu'on est vraiment des sacrées feignasses hein ! ;)

 

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Quand ce soir, tous les trains sont équipés...

Il y a ensuite...

Le TDT : le tour de train. Là, c'est plus simple. Quand un train arrive en gare et qu'il stationne un certain temps avant de repartir dns l'autre sens avec des voyageurs, on fait un tour pour vérifier qu'il n'y a aucun souci dans le train (un client malade ou évanoui, un incendie, une invasion de mygales, une faille spacio-temporelle, tout ça quoi).

Et enfin...

La VAE : Visite avant expédition. Quand un train arrive en terminus dans notre gare, il peut arriver qu'il ne reparte pas avec des voyageurs et qu'il se dirige au garage. Dans ce cas-là, nous devons vider le train afin qu'aucun client ne se retrouve à dormir dans un train plongé dans le noir, sans WC, tout seul, toute la nuit... La loose, hein ? Les VAE nous réservent parfois notre lot de pépites et d'aventures, d'appels aux pompiers et à la police, mais c'est bien la preuve qu'elles sont nécessaires.

 

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Quand je demande à un homme de descendre du train et qu'il me montre son kiki.

 

Vous savez maintenant tout sur les tours de trains ! Parfois, si vous ne nous trouvez pas au guichet le soir, ce n'est pas parce qu'on mange un KFC ou qu'on fait une sieste dans le vestiaire. C'est tout simplement qu'on assure nos missions, et qu'on fait de l'accueil sur les quais. Rassurez-vous : vous n'êtes pas seuls, nous sommes bien là !

Bonne journée à tous !

 

 

16 mars 2016

"Mais roulez-lui dessus ! "

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Dans mon métier, et dans celui de beaucoup de mes collègues, la sécurité est essentielle. La ponctualité, le service rendu à nos clients... Rien n'est plus important que ces vies humaines que nous transportons et rencontrons en gare !

Je vais vous parler aujourd'hui d'un événement qui arrive presque quotidiennement sur nos rails... Ce genre d'événement auquel on aimerait ne jamais assister. L'accident de personne.

Chaque fois que j'entends le sifflet (l'avertisseur sonore, et pour le terme pas pro du tout : le klaxon) d'un train retentir dans ma gare, je sens toujours mon ventre se nouer. Chaque fois, j'ai peur de sortir sur le quai, et de devoir faire face à la mort.

Jamais je n'aurais pensé que cela pourrait arriver dans ma gare. Quand ce genre de situation nous est encore inconnue, on se dit bêtement "ça n'arrivera jamais par ici". Mais des âmes perdues et deséspérées, il y en a partout ! Des imprudents, il y en a partout ! Et des trains, il en roule des centaines par jour ! Alors, chaque jour sans encombre est un cadeau du ciel, et il est complèment illusoire de penser qu'il est impossible que ça nous arrive. Rien n'est impossible.

Je me rappelle très bien. C'était le jeudi 12 novembre. Je m'en souviens si bien, parce que le lendemain survenaient les attentats atroces de Paris... Et ça n'a fait qu'en remettre une couche en terme de vies gâchées et de tristesse.

A dix-neuf heures, nous avons entendu l'avertisseur sonore d'un train retentir dehors. Les premières secondes, l'inquiétude est moindre. Beaucoup de monde se croit obligé de se coller au bord du quai, comme si le train allait les oublier, malgré le danger immense que cela représente pour leurs vies. Bien souvent, le train siffle pour avertir, mais le pire arrive rarement - ce qui ne met personne à l'abri pour autant. Pourtant, le sifflement a duré... Presque dix secondes. Nous avons compris que quelque chose n'était pas normal. Presque immédiatement, des alarmes ont commencé à se déclencher au poste du circulation (il est directement posté près de nos guichets). Je suis sortie avec deux collègues, et il est devenu évident que c'était arrivé : quelqu'un était passé sous le train. La moitié de la rame était encore en dehors des voies de la gare, chose que je n'avais jamais vu. J'ai à peine eu le temps d'entendre le collègue du poste crier "ça a tapé !", avant de me ruer à la voie du milieu, où les clients commençaient déjà à descendre du train, complètement perdus.

Par "chance", un dirigeant était présent dans le train, ce qui a considérablement accéléré les démarches. Il nous a aiguillé et nous a aidé à gérer cet accident qu'aucun de nous n'avait jamais encore vécu. Au bout de quelques minutes, des agents habilités à se rendre sur les voies sont allés chercher les clients dans l'autre moitié de la rame.

A toutes les questions que les clients nous posaient, nous marchions sur des oeufs. Un homme était sous le train, il fallait attendre les secours, le trouver, et le prendre en charge. Pendant ce temps-là, aucun train ne pouvait circuler.

Pourquoi ?

Parce qu'il s'agit d'une vie, et que non, une bonne fois pour toutes, nous n'allons pas continuer à lui rouler dessus pour faire circuler les trains normalement. Notre responsabilité est de nous occuper de lui, et de nous débrouiller comme on le peut en dirigeant nos clients vers les bus de ville et les gares desservies par ces bus. Garder notre sang-froid, penser aux autres, tout en restant humain... C'est si dur. Rien, à part l'expérience et le vécu, ne nous prépare à gérer cela !

Je me souviens de ce que m'avait raconté une collègue que j'apprécie beaucoup. Des accidents de personne, elle en a vu à la pelle... Une fois où une cliente était particulièrement virulente et insultante, et commençait à scander qu'on avait qu'à "rouler sur ce connard pour qu'elle puisse rentrer chez elle", ma collègue, très calmement, lui a demandé si elle avait un mari. Prise au dépourvu, la dame a répondu que oui. L'agent lui a calmement dit qu'elle devrait peut-être l'appeler, lui demander comme il va, car cela pourrait être lui sous le train. Blanche comme un cachet d'aspirine, la dame est partie sans rien dire, et... a attrapé son téléphone ! Sûrement pour passer un coup de fil à son mari !

N'oubliez jamais que la vie de quiconque est tout aussi importante que la vôtre ou celle de vos proches. Cet homme, dans ma gare, qui a décidé de se jeter sous un train... Il avait des soeurs, et une petite amie, qui sont venues immédiatement en gare et qui ont su, instinctivement, que c'était lui.

C'était son choix. Le conducteur du train, très choqué, nous a dit qu'il avait vu son regard avant de le heurter. Cet homme savait où il était, et il faisait ce qui lui semblait juste.

Tremblotante sur les quais, j'ai renseigné mes clients tant bien que mal, leur indiquant les bus, les invitant à s'éloigner pour ne pas assister à cela. Eloigner tout le monde, voilà encore une mission compliquée ! Entre les curieux et les portables greffés à leurs maîtres voyeurs qui s'improvisent caméramen d'investigation, notre patience a été mise à rude épreuve. Il n'est déjà pas simple de supporter le mépris et la colère des personnes bloquées à cause de l'accident. Mais faire face au voyeurisme, que je considère comme de l'indifférence, voire du plaisir malsain, cela dépasse l'entendement. Chaque fois, j'avais envie de leur dire : "Si c'était votre mère, votre soeur, seriez-vous en train de la filmer ? Ou de prier pour qu'elle vive ?"

Voici les étapes que nous avons suivi.

Toute circulation des trains a été interrompue. Nous avons dirigé les clients vers les sorties et les arrêts de bus. Une collègue est restée près du train pour renseigner, et nous renvoyer les clients dehors. Nous avons fermé la gare pour empêcher quiconque de se balader dans une gare sans circulation pour y observer ce genre de spectacle.

Nous avons mis de la rubalise (le gros scotch rouge et noir) à proximité de l'endroit où se trouvait l'homme, pour éloigner les voyeurs, créer un périmètre de sécurité.

Nous avons attendu les pompiers et la police. Lorsque les pompiers sont arrivés, ils ont constaté que l'homme était vivant. Lorsque le mot "vivant" a été prononcé, je ne saurais vous dire la force du soulagement qui m'a envahi. Il était vivant... Mais à quel prix ?

Toutes ces procédures ont pris plus d'une heure. La victime était vivante, ce qui a considérablement facilité les choses, je vous l'avoue.

En cas de décès, il est nécessaire d'attendre l'OPJ, officier de police judiciaire, afin qu'il mène son enquête. On ne peut faire circuler les trains tant que le meurtre n'est pas exclu. C'est en tout cas ce que l'on m'a appris lors de ma formation.

Mort ou vivant, je peux vous dire que voir un corps sous un train, ça fait mal. J'ai eu du mal à dormir le soir-même, et les nuits suivantes également. Les policiers nous ont ramené sa carte Navigo... On ne pense pas à ce genre de détails stupides dans cette situation. "A-t-il un passe Navigo ?". Mais bien sûr !

J'ai regardé sa photo, son nom, son joli prénom... Et je me suis demandé ce qui avait pu pousser cet homme à vouloir mourir. Comment pouvait-on en arriver là, être si triste que l'on abandonne tout... Etre si malheureux que l'on arrive à trouver le courage de voir la mort en face...

Une heure et demi plus tard, la circulation des trains a repris et ma chef m'a laissée partir avec vingt minutes d'avance. J'ai mis la clé dans le contact, et arrivée au feu rouge devant la gare, j'ai éclaté en larmes.

Je savais très bien ce qui pouvait amener quelqu'un à vouloir mourir. J'en avais déjà eu envie, moi aussi. Et j'étais triste, tellement triste, de voir que je n'étais pas la seule, et que sa vie allait être encore pire à présent. J'ai eu envie de lui dire "Je te comprends". Mais aussi... Que la vie, si moche puisse-t-elle parfois être, finit toujours par nous montrer ses bons côtés, et qu'ils valent tellement le coup d'être en vie !

La prochaine fois, je ne serai pas moins triste, ni moins en colère. Cela sera toujours dur. Je suis une humaine, mais une professionnelle. Les larmes ne coulent qu'à la fin de service.

 

paix

J'espère ne pas vous avoir déprimé, les amis !

Je vous souhaite à tous une excellente journée, pleine de vie...

 

 

10 mars 2016

La Visibilité

Aujourd'hui, je vais vous parler d'une mission que je réalise quotidiennement depuis que je suis arrivée à la SNCeuFeu, mais qui prend de plus en plus d'ampleur dans nos journées de travail. La visibilité. Alors non, je ne vous parle pas de la cape d'Harry Potter, ou du code de la route en temps de brouillard, mais bien d'accueil sur les quais en situation non-perturbée (car il semble évident qu'en situation perturbée, nous devons sortir aider nos clients à s'orienter !)

Je travaille dans deux gares, dans lesquelles il y a deux guichets côte à côte. Il semblait donc logique, jusqu'à très récemment, de laisser les deux guichets ouverts. D'ailleurs, nos clients aiment bien que les deux soient ouverts, cela réduit l'attente et permet de pouvoir consacrer à chacun plus de temps pour répondre aux questions et donner toutes les informations nécessaires.

Mais ça, c'est du passé. Nous sommes toujours deux en matinée (voire trois, mais cette troisième personne, je vous en parlerai dans un autre article !), mais il est interdit de laisser les deux guichets ouverts. Quand je dis interdit, c'est que si tu te fais choper au guichet en même temps que ton collègue alors que t'as deux clients qui se battent en duel dans la file d'attente, voilà ton chef :

no

Personnellement, je ne suis plus à convaincre. Il est évident que la visibilité est primordiale, d'autant plus que nous avons des objectifs à honorer envers le STIF. Pour ceux qui ne le savent pas, le STIF est le Syndicat des Transports en Ile-de-France. En bref, c'est La Région, et c'est à elle que revient la lourde tâche de financer et organiser les transports en Ile de France. Pour cela, elle désigne des prestataires (SNCF, RATP, Transdev...), leur alloue un budget, un cahier des charges à respecter, des objectifs, et à nous de jouer ! Le STIF a décidé qu'à telle heure, il y aurait un train long qui ferait telle desserte... Si ce n'est pas respecté pour x ou y raison, on sort le portefeuille pour s'acquitter d'une pénalité (hé oui, la SNCeuFeu aussi se prend des "amendes", ça casse le mythe, je sais). Dans le contrat STIF que la SNCeuFeu a signé, il est demandé, parmi toutes les exigeances, d'atteindre chaque mois un certain taux de visibilité en gare, plutôt élevé forcément.

 

ENERVE

Quand au bout de deux heures dans le froid, tu rentres te poser cinq minutes, et que le chef arrive (forcément) à ce moment là en mode "bah alors hop hop hop, visibilité là !"

 

Après vous avoir bien soûlé avec mon STIF, je vais enfin entrer dans le vif du sujet : c'est quoi exactement la visibiliteyyy beybey ? Hormis peut-être le mot que nos chefs aimeraient nous tatouer sur le front pour qu'on ne l'oublie pas, la visibilité est un excellent moyen de montrer à nos clients qu'ils ne sont pas seuls. Je sais, c'est bête, mais c'est comme ça que je le vois.

Il faut que je sois visible sur les quais. Même si tout roule, même si tout va bien, je dois être là, à dire bonjour, regarder les trains passer, vérifier qu'il n'y a aucun souci. Cela des heures durant. Cela peut sembler logique (un agent SNCF sur un quai SNCF, allô quoi !), et pourtant c'est un reproche que les clients nous font souvent : "Il n'y avait aucun agent sur les quais !". Nos clients ont besoin de voir que quelqu'un est là, et qu'en cas de souci, un professionnel est à leur côté. Les clients apprécient d'avoir un agent rien que pour eux s'ils ont une question à poser, plutôt que de devoir ressortir et faire la queue pour demander un renseignement à l'agent au guichet... Et les clients apprécient d'être informés, accompagnés, tout simplement. Nous sommes là pour ça.

 

art

Quand je me réchauffe près d'un automate (c'est chaud ces grosses bêtes là)

 

Comment est mesurée la visibilité d'une gare ? Nous recevons régulièrement des invités d'honneur, aka les clients mystère, qui doivent préciser s'ils ont aperçu un agent itinérant sur les quais. Je vous avouerai que je doute parfois qu'ils aillent vraiment voir si un agent se balade sur les quais (à voir les résultats, personne n'est jamais dehors, mes doigts tout bleu disent pourtant le contraire), car un quai, c'est long, c'est grand, et surtout, il y en a plusieurs. Mais le vrai baromètre de satisfaction selon moi, ce sont les clients réels, et non les clients mystère. Et eux aussi ont leur mot à dire ! Les clients qui ont un abonnement annuel peuvent être contactés par téléphone pour répondre à quelques questions, qui nous permettent de jauger la satisfaction client et d'établir des chiffres. Les questions sont plutôt simples me semble-t-il : comment s'est déroulé votre trajet ? Avez-vous croisé un agent dans votre gare ? (élémentaire mon cher Watson) Avez-vous été correctement informé ? Etes-vous satisfait de votre voyage ? J'en oublie sûrement, je ne suis ni sondeuse, ni abonnée à l'année ! haha

 

dog

Quand je sors sur les quais à 07h du matin.

 

Il nous est donc demandé, que ça soit en heure de pointe ou en heure creuse, de toujours laisser un guichet fermé afin d'aller faire de la visibilité. Quand le deuxième guichet d'une gare est fermé, ne pensez plus "pause clope", "agent qui fait la sieste" ou "apéro", ayez une pensée émue pour l'agent sur les quais qui ressemble sûrement, vaguement, à quelque chose comme ça :

froid

(je dois pas avoir l'air beaucoup plus classe sur les quais le matin, en ce moment)

L'après-midi, l'agent est tout seul et ne peut donc pas se consacrer à la visibilité (la vente reste importante vu la fiabilité parfois douteuse de nos automates) (sans rancune messieurs dames les automates, hein). Heureusement, dès 17h30, les agents d'extrême débarquent dans la place et assurent leur mission principale, l'accueil. Nous sommes donc sauvés !

Cela va faire un peu plus d'un an que cet objectif est devenu un de nos axes de progrès prioritaires. Avec des chiffres pitoyables au début (appelons un chat un chat), nous sommes aujourd'hui à 100% sur ma gare ! Et ça, j'en suis fière. Toutes ces averses en pleine tête, tous ces jolis make-up anéantis par le froid et la bruine, tous ces coups de soleil en été, toutes ces douleurs aux pieds, tous nos efforts sont enfin reconnus et avérés par des chiffres ! Cela aura mis une année, mais nous y sommes arrivés, et de mon côté, je ferais tout pour laisser ce résultat tel qu'il est aujourd'hui. A force de faire des cauchemars où le mot   V I S I B I L I T E   me poursuit sur le quai d'une gare avec mes chefs qui me hurlent "STIF ! STIF ! STIF !" un fouet à la main, cela serait bien bête de laisser retomber de si bons résultats. Il ne faut pas oublier que notre avenir dépend de la satisfaction que nous donnons à nos clients quotidiens, et à notre gros client, le STIF...

Vous êtes prévenus chers amis ! haha

 

QUOI

La prochaine fois qu'on me dit qu'on est jamais sur les quais !

 

 

 

 

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10 mars 2016

Je grève, tu grèves, nous grévons

Moi qui avais décidé de ne pas aborder de sujets fâcheux, je vais quand même commencer mon blog par une exception, qui confirmera ensuite la règle. J'ai très envie de vous parler de la grève.

Avant de me jeter dans la gueule du loup, laissez-moi quand même rappeler certaines évidences :

- Tout salarié d'une entreprise peut utiliser son droit de grève. Un salarié ne peut pas faire grève seul, sauf s'il accompagne une grève générale.

- Selon les articles L1132-1 à L1132-4 du code du travail, il est interdit de sanctionner, discriminer, ou de licencier un salarié en cas d'exercice normal du droit de grève (article L1132-2)

Voilà, c'est dit. Etre en désaccord avec les motifs d'une grève, n'est donc pas une excuse pour nier ce droit fondamental de se faire entendre, et de s'exprimer librement.

Hier, j'ai fait grève, pour la première fois de ma vie. Comme j'ai pu le lire depuis quelques jours, je n'ai pas fait grève parce que je n'ai pas eu assez de frites à la cantine (j'ai un micro-ondes et un frigo, mais pas de cantine, désolée de vous décevoir !). J'ai fait grève parce que nous sommes toutes et tous concernés, et surtout menacés par les réformes que le gouvernement veut nous faire subir, à nous, le moteur de leur pouvoir.

Il me semble que nous sommes tous humains, et que nous travaillons pour vivre, et non l'inverse. Une loi qui, pour résumer, vous retire vingt jours de repos dans l'année et détruit presque toutes les limites en terme d'horaires, d'amplitude, d'utilisation du salarié... Comment un salarié lambda peut-il laisser passer cela sans éclater de colère ? Depuis que la loi El Khomri a été dévoilée à la population, je n'ai entendu aucun citoyen dire que c'était une bonne idée. La majorité pleure d'avoir élu un gouvernement de traîtres.

Plutôt que de se monter les uns contre les autres, de prendre Jean-Pierre Pernault pour le dieu de la vérité (laissez-moi rire), et de s'insulter comme des malpropres, il est temps de s'unir et de leur dire un bon gros "FLUTE CROTTE CACA BOUDIN". A toujours se coucher, taper sur les grévistes, on en oublie que sans les grévistes, nous n'aurions pas de couverture maladie, de congés payés, les trente-cinq heures, et tous ces acquis durement gagnés et surtout mérités. Vous travaillez pour la gloire ? Travailler plus et gagner moins, cela vous semble juste, légitime, humain ?

J'aime mon travail, mon entreprise, mes clients... Mais hier, je suis descendue dans la rue, pour tous nous protéger. J'estime que nous valons mieux que cela. Nous ne sommes pas les paillassons des patrons, et personne, je dis bien personne, ne doit accepter un tel recul social par peur, ou par découragement. Se plaindre des grèves ne séchera pas vos larmes quand vous ne verrez plus votre famille, tout cela pour un salaire identique. Plutôt que taper sur le gréviste car vous ne pouvez pas aller travailler, rejoignez-le dans la rue, et battez-vous pour votre vie ! Il me reste quarante ans à travailler, et je REFUSE que cela se fasse dans ces conditions ! Je veux avoir des enfants, et je veux me battre pour que leur vie soit belle ! Et ce n'est pas juste en disant "bouhou je boude, c'est pas gentil ce qu'ils font" que les dirigeants reculeront. Il faut se faire entendre.

Certains pensent que cette loi ne nous concerne pas, nous, agents SNCF. Que nous sommes dans notre entreprise comme dans un royaume merveilleux et impénétrable, habité par des papillons multicolores, des licornes, et des gros ours en peluche qui nous dirigent amoureusement. Non. Nous sommes comme vous tous. On se lève tôt, on se couche tard, on galère à se rendre au travail, on paie notre essence, nous avons parfois des comptes à rendre... Nous sommes des salariés lambdas. Notre référentiel (un code du travail spécifique aux agents SNCF, pour faire court) est amené à disparaître dans les mois à venir et à être remplacé par un décret socle qui sera inspiré... De la loi El Khomri, je vous le donne dans le mille ! Au diable la fatigue des horaires décalés, des heures de nuit, des week-ends, jours fériés... On sera tous mangés à la même sauce, SNCF ou pas, et je peux vous dire qu'elle n'aura pas bon goût. Le bon goût, ce serait d'être tous solidaires afin de leur faire peur.

On peut me critiquer, qu'importe. J'ai perdu ma journée de salaire (sur un horaire de nuit, en plus...), alors que comme tout le monde, j'ai des frais que je peine à couvrir tous les mois. Je suis descendue dans la rue, alors qu'il était plus simple pour moi d'aller travailler, de me poser sur mon siège et de renseigner mes clients. Je me suis exprimée, alors que je n'avais jamais osé. Et je serai de la lutte, ça c'est certain. Plutôt que de dissuader les gens de se battre, il serait temps de convaincre tout le monde de s'unir, et de dire "non", tout simplement.

J'espère ne pas vous avoir embêté avec mon blablabla... Et je préfère prévenir (on ne sait jamais qui peut tomber ici) : toute insulte sera immédiatement supprimée, et bien sûr, vous n'y gagnerez que mon mépris le plus total (en plus de la confirmation que vous avez été mal élevé). Bien sûr, si vous n'êtes pas d'accord avec moi mais que vous êtes prêts à en parler calmement, on va bien s'entendre ! :)

 

60jours

"Vous avez 60 jours de congés et vous faites grève !"

 

Bonne journée à tous. Bon courage à tous les travailleurs, nous allons en avoir besoin. Et n'oubliez pas : nous sommes plus nombreux qu'eux. Il ne tient qu'à nous de leur montrer.

 

EMUE

Quand hier, j'ai vu à quel point nous étions nombreux, unis, combatifs, toutes professions confondues...

 

Ma source pour le droit de grève vient d'ici.

Mes gifs viennent du site Giphy.

9 mars 2016

La Réserve, keskessé?

La réserve...

C'est quelque chose que je n'ai connu qu'une fois fraîchement débarquée en CDI, toute pimpante. Je croisais brèvement des agents de réserve lors de mon CDD, et ce que je comprenais, c'est qu'ils travaillaient sur plusieurs gares, contrairement à moi. Je ne savais pas encore à quel point leurs conditions étaient différentes des miennes.

Nous fonctionnons sur un (bon) système de roulement et de réserve. Le roulement, c'est la stabilité, le rêve, la prévisibilité, le refus de l'imprévu (on sent l'objectivité dans mes propos, bien sûr). En gros, un agent en roulement a son planning un an à l'avance, avec ses horaires, la gare où il travaille, la fonction qu'il occupe, etc... Et pour apporter un changement aux horaires du roulement, il faut respecter un délai de plusieurs jours (une dizaine de jours, me semble-t-il).

La réserve, c'est... Comment vous dire ? Tout l'inverse. Nous sommes là pour remplacer les absents (traduction vulgaire : boucher les trous !), afin que les postes soient toujours occupés, même s'il manque du personnel pour diverses raisons. Nous sommes des sauveurs, des héros, ceux sans qui rien ne serait possible... (ok je sors)

GF

 

Nous pouvons attendre notre planning jusqu'à la veille de notre service, il est également modifiable jusqu'à la fin de service de la journée précédente, ce qui veut dire que ton rendez-vous chez le dentiste, que tu as prévu trois mois avant, peut très bien tomber à l'eau jusqu'au jour-même (pareil pour le coiffeur, le garagiste, et le gynéco). C'est une habitude à prendre, l'habitude de ne jamais rien prévoir, de ne jamais rien tenir pour acquis, de laisser ta santé au second plan à cause d'un planning trop imprévisible pour les médecins (ils sont pénibles quand même à avoir d'autres patients que nous, roh !).

La réserve a une autre particularité : l'amplitude horaire entre deux journées de service peut parfois être très courte. Trop courte pour pouvoir, à la suite, manger, se doucher et dormir suffisament pour ne pas avoir une humeur de putois. Finir à 20h15 pour reprendre à 06h15... Il est évident qu'on ne peut pas tout faire. Parfois, l'envie d'installer un sac de couchage sous le guichet est tentante, mais faut pas non plus pousser mémé dans les orties. La gare, c'est ma deuxième maison. Pas la première. 

Je vous passe la possibilité de n'avoir qu'un repos simple (et non deux), puis de reprendre éventuellement pour une série de six jours. Nous avons tout intérêt à disposer d'un bouton "mode automatique" afin de pouvoir tenir debout.

Chaque agent a sa préférence. L'un te dira que la réserve, c'est super ! Tu ne vois jamais les mêmes têtes, tu ne fais pas toujours la même chose, et tu bouges davantage qu'en roulement. Tu es également plus modulable, ce qui apparaît d'abord comme un inconvénient, mais se révèle aussi être un avantage lorsque tu as besoin d'adapter exceptionnellement un horaire, et que tu demandes gentiment une faveur aux chargés de planning. Gentiment, c'est comme ça (tuto):

pease

Et il y a les autres, comme moi... Qui rêvent chaque nuit que son chef arrive, et lui dise "Tu es en roulement, félicitations !" Le roulement, ce graal qu'on me refuse, cette stabilité, cette porte ouverte à une vie privée enfin bien remplie ! Chacun voit midi à sa porte. Nous avons la chance de disposer d'un système qui permet, normalement, à chacun de travailler à la manière qui lui correspond : prévu à l'avance, ou alors dans le changement et la flexibilité ! (ça se voit que je tuerai trois chatons pour avoir un roulement, ou alors j'arrive à rester un peu objective ?).

J'espère vous avoir éclairé sur la manière dont sont gérés nos plannings. En tout cas pour le moment ! Nul ne sait de quoi l'avenir est fait... Il n'empêche que chacun se complète, et permet à l'entreprise d'avancer, à sa façon. Je suis pour le moment en réserve, et j'avoue volontiers espérer un roulement dans les années à venir. Moi aussi, je veux me marier et avoir un bébé qui pleure toute la nuit, mais je ne pense pas en être capable tant que je serai en réserve. Certains le font avec brio, mais je ne me sens pas si courageuse !

Pour finir, voilà un petit lexique de nos expressions/abréviations à nous, concernant nos plannings :

Bulletin de commande : c'est la feuille que l'on reçoit via nos chefs et sur laquelle sont écrits nos horaires pour les jours à venir (on est trop compliqués pour dire "planning", il faut vous habituer, on est comme ça nous !).

CPS : La mienne est composée de deux personnes, et ce sont eux qui font les plannings de tous les agents de réserve de toutes les gares de mon unité opérationnelle... Ce qui fait quand même, beaucoup d'agents. Ils sont aussi chargés d'accepter (ou pas, snif) nos congés.

Contrairement : c'est souvent la flèche en plein coeur que tu reçois au dernier moment, et qui t'informe que l'horaire que tu devais faire a changé. Il y est écrit ton nouvel horaire, et ta mission ce jour là (guichet, accueil, gestion de site...)

Extrême : Dans le jargon des commerciaux de ma ligne, c'est le terme qu'on utilise pour dire que l'on travaille de 17h30 à 01h30, voire plus tard. C'est une extrême soirée.

Je pense n'avoir rien oublié... (mais j'ai un très petit cerveau, alors on ne sait jamais). Un petit GIF pour la fin, je ne peux pas m'empêcher ;)

 

CONGES ACCEPTES

Quand la CPS m'accorde mes congés alors que je n'avais aucun espoir

 

 

 Les gifs de cet article viennent du site Giphy.

8 mars 2016

C'est ainsi que ça a commencé.

Avant de m'étaler plus en profondeur sur mon métier, mes journées de travail, les coulisses de ma gare... J'ai trouvé qu'il était quand même plus aimable de me présenter, et de vous raconter un peu comment le chat grincheux que je suis a bien pu atterir dans une gare !

C'est en 2013 que la belle aventure SNCeuFeu a démarré pour moi. A vrai dire, je n'en attendais pas grand-chose. J'avais abandonné mes études de lettres dans lesquelles j'excellais (elle se la pète celle-là), dans l'espoir de devenir toiletteuse pour chiens (c'est moins classe, d'un coup). Pour moi, rien ne servait d'être douée pour les études et les devoirs, si je n'y trouvais aucun plaisir ou intérêt. Très vite découragée par ma famille dans ma voie canine, j'ai également abandonné mon rêve... J'ai, à la place, passé un CAP petite enfance. C'est un diplôme qui me tentait depuis le collège, et j'appréciais la compagnie des enfants ; emballé, c'est pesé ! Pendant un an et demi, j'ai bossé mes cours à domicile, passé mon stage en maternelle, tout en travaillant le soir comme nourrice pour gagner trois cacahuètes en fin de mois.

Mon CAP en poche, j'ai reçu un appel suite à une vieille candidature envoyée sur le site internet de la SNCeuFeu. Ils me proposaient un entretien pour un poste d'agent d'accueil en CDD, à même pas cinq minutes de chez moi. C'était trop beau. La SNCeuFeu... La grande SNCeuFeu... Cette entreprise, si grande et si majestueuse, que j'avais toujours vu comme une forteresse impénétrable.

Pendant presque deux ans, je m'étais faite avoir par trois familles déjà, qui refusaient de me déclarer, qui me collaient des horaires impossibles jusque tard dans la nuit (malgré mes cours et mon stage en journée), tout cela pour avoir de quoi me payer trois carambars le dernier jour du mois. Alors je n'ai pas hésité, j'y suis allée. Enfin une vraie entreprise me donnait la chance de me vendre, de leur prouver que je méritais de faire partie de leur belle équipe. Je voulais en être... Et j'estimais que je ne le méritais pas moins qu'un autre!

Au taquet bien qu'intimidée, j'ai passé mon entretien avec maladresse, mais sincérité. J'ai été prise... Ma vie allait changer.

Après cinq mois de CDD qui m'ont fait découvrir à quel point la grande timide parfois hargneuse que j'étais, pouvait aimer les gens, leur contact, leur rendre service... J'ai passé les tests de recrutement pour intégrer l'entreprise à titre permanent. Ces fameux tests que "tout le monde rate", et que j'avais fini par n'avoir aucun de espoir de réussir. Tellement de candidats, si peu d'admis, des exigeances parfois floues, des mises en situation stressantes... Je me suis surpassée pour leur montrer que cette entreprise, elle faisait partie de moi à présent, mais sans trop leur lécher les bottes non plus (faut pas abuser).

GIF

 

Le lendemain de mes tests, persuadée que c'était cuit, me demandant névrotiquement "que vais-je devenir ?", ma chef de gare m'a appelée. Je faisais partie de la famille.

C'est ainsi que ça a commencé.

 

Quand je tire ma révérence à l'université

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